A peine la frontière passée, le décor change littéralement : moins de déchets sur les bords de route, des chiens moins agressifs et une circulation moins dense. Nous profitons de ce calme pour nous arrêter acheter des produits fermiers au bord des routes (miel, œufs, fruits et légumes) : Il y a comme un air de vacances!
Notre première journée en terre serbe est idyllique : sous un beau soleil printanier, nous longeons la Drina qui dessine la frontière entre Bosnie et Serbie. Une première chose nous interpelle : en bordure de route, sur des terrains privés, nous observons des petits regroupements de tombes orthodoxes. Nous nous demandons si les cimetières communaux existent en Serbie ?
Après un échange avec des locaux, nous comprenons que ce rite est propre à cette région frontalière avec la Bosnie, où la religion musulmane est très pratiquée. Les habitants encore marqués par la colonisation de l’empire Ottoman ont peur une fois de plus de se faire déposséder de leurs terres et préfèrent enterrer leurs morts sur leurs propriétés : en effet, selon eux les musulmans n’oseront pas coloniser des terres où des orthodoxes sont enterrés.
La suite de notre traversée de la Serbie se fait dans des conditions dantesques. Nous perdons 20 degrés en une nuit et nous enchaînons les journées sous la pluie et la neige. Heureusement nous pouvons compter sur l’hospitalité et la gentillesse de toutes les personnes rencontrées: le soir venu nous nous réchauffons au coin du poêle à bois en dégustant la fameuse Rakija faite maison ( l’eau de vie locale, il est bien difficile de la refuser dans ce pays où il est coutume de recevoir les invités avec ce fameux nectar ! Vivement la Turquie pour éviter de tomber dans l’alcoolisme ^^).
Alors que nous ne croyons pas les prévisions météo, la neige est tombée toute la nuit : une quinzaine de centimètres de neige fraîche nous contraint de rester un jour de plus chez nos hôtes. Nous vivons donc au rythme serbe avec de la Rakija en guise de café au petit-déjeuner. Notre tente installée dans un ancien atelier de couture, nous nous octroyons quelques heures pour écrire tous nos souvenirs, déjà nombreux, dans notre journal de bord.
Les routes une fois praticables, nous reprenons la direction de la Bulgarie. Les températures et les paysages restent hivernaux : nous passons le cap des 2 000 kms dans la neige.
L’épisode qui va suivre n’est que le début d’une longue histoire:
Peu de temps après avoir pris la photo de notre compteur témoignant de nos 2000 kms, un monsieur s’arrête en voiture à notre niveau en haut d’un petit col. Il parle très peu anglais mais s’empresse de nous ravitailler en pâtisserie : La quantité est démesurée et tient à peine dans les sacoches. De fil en aiguille, nous nous retrouvons chez Dejan à se réchauffer autour d’un thé, puis à déguster un bon repas serbe en compagnie de toute la famille. Ce soir, nous n’avons pas à sortir la tente dans la neige : une chambre et une douche chaude nous attendent.
Pas question pour Dejan de nous laisser repartir sans nous organiser la suite de nos prochains jours : il fait marcher tout son carnet de contact et nous trouve des points de chutes jusque dans le sud de la Bulgarie. Nous n’en oublions pas pour autant notre voyage mais profiterons trois fois de son carnet d’adresse bien fourni :
à Nis, nous rencontrons Mirjana qui nous fait visiter la deuxième plus grosse ville de Serbie
A Bela Palanka, nous dormons même dans un hôtel offert par un ami de Dejan.
A Harmanli, nous dormons encore une fois dans un hôtel offert par un autre ami de Dejan.
Notre halte à Nis se fait donc en compagnie de Mirjana, qui parle un parfait anglais. Elle nous amène avec fierté vers les sites historiques principaux. La plus impressionnante est la tour Cele Kula qui fut érigé en 1816 par les turcs en incrustant entre 3 000 et 4 000 têtes humaines de serbes chrétiens pour effrayer le reste de la population afin que les serbes ne se révoltent pas face à l’occupation Ottomane. Aujourd’hui ce monument est conservé en hommage à tous les Serbes qui se sont battus pour la liberté de leur pays. (Vous trouverez en fin de texte le lien du récit de Lamartine qui s’est rendu sur place une vingtaine d’année plus tard)
Nous quittons la Serbie par une belle route dans les gorges de la Nisava et nous faisons une dernière halte à Pirot où nous visitons l’école « Mlekarska » pour rencontrer des intervenants qui perpétuent les traditions serbes. Cette école accueille 150 étudiants qui, pour la plupart, se prédestinent à reprendre des fermes familiales. Il viennent apprendre la boucherie, la boulangerie et principalement la Crémerie.
Cette école est l’unique endroit où le fromage kačkavalj est encore fait de manière artisanale. Trois salariés à plein temps viennent prendre le relai des étudiants pour s’occuper des arrivages de lait. Ce fromage que l’on trouve uniquement dans l’Est de la Serbie et l’ouest de la Bulgarie était autrefois fait au lait de brebis. La guerre de Yougoslavie dans les années 90 et la désertification des campagnes a engendré un désintérêt de l’élevage des moutons chez les jeunes. Le volume de lait de brebis n’étant plus suffisant, la recette a alors été déclinée avec du lait de vache.
Nous avons assisté à la confection du fromage étape par étape jusqu’à l’affinage de 60 jours dans les sous-sols de l’école.
Nous terminons donc notre traversée serbe sur une note lactée et gustative. Nous retiendrons de la Serbie des habitants toujours aussi sympas, comme partout dans les Balkans, une population qui a souffert de la guerre et des gens fiers de leurs origines et de leur pays même si ils ont conscience d’avoir un faible pouvoir d’achat.
Lien du récit de Lamartine : https://serbica.u-bordeaux-montaigne.fr/index.php/archives/158-archives/archives/1245-alphonse-de-la
Magnifique, profitez et oubliez pas de pédaler🤣